Le cimetière de Colombier et son histoire

Le cimetière de Colombier à travers les siècles

Retracer l’histoire du cimetière communal nous oblige à remonter loin dans le temps : notre commune entretenant depuis ses origines une relation consubstantielle avec l’univers funéraire. Pour expliquer notre propos, une petite parenthèse étymologique s’impose. Plusieurs hypothèses ont été émises quant à l’origine du nom de Colombier (précisons que les différentes étymologies ne s’excluent pas forcément – une réalité matérielle pouvant tout à fait coexister avec une réalité symbolique). La plus connue d’entre elles est assurément la vision d’une colombe qui serait apparue à saint Patrocle. Une autre voudrait que le village tînt son nom du terme latin « columbarium », lequel désigne à la fois un pigeonnier et un espace contenant des niches dévolues à la réception d’urnes funéraires. Le présent aspect mérite toute notre attention, particulièrement dans le cadre de notre projet. En effet, depuis la découverte de sarcophages mérovingiens, en 1963, dans le hameau de Saint-Genest, on sait que Colombier abrita une nécropole au Haut Moyen Âge. En outre, le fait que saint Patrocle fût inhumé à Colombier en 576 (selon le récit donné par Grégoire de Tours) contribua à attirer nombre de pèlerins dans la commune. Il s’ensuivit certainement – le phénomène se révélant courant aux premiers siècles du Moyen Âge – une polarisation de la population autour des reliques du vénéré Patrocle. Vivre et – surtout – être enterré ad sanctum (« auprès d’un saint ») laissait l’espoir aux défunts de bénéficier de la virtus (les « qualités vertueuses ») du saint et, partant, de gagner plus aisément le paradis.

Contrairement aux nécropoles du monde antique situées à l’extérieur des murs de la cité, le cimetière médiéval, au cours d’un long processus amorcé au VIᵉ siècle, est édifié intra-muros ; il prend habituellement place à proximité de l’église paroissiale qui, elle-même, occupe une place centrale dans les villes et les villages. Le christianisme médiéval affirme ainsi l’appartenance des fidèles décédés à l’ecclesia (c’est-à-dire la communauté des chrétiens). L’Église encourage au quotidien l’exercice du memento mori (« souviens-toi que tu vas mourir »), rappelant par là même qu’une relation de réciprocité existe entre le monde des morts et celui des vivants : ces derniers, en priant pour les défunts, profitent en retour de l’intercession des morts pour le salut de leur âme. Pour l’homme et la femme du Moyen Âge, comme d’une large partie de l’époque moderne, le cimetière n’est pas un lieu macabre et inquiétant outre-mesure – bien que, de temps à autre, les âmes en peine des revenants s’y manifestent bruyamment ! Il s’agit d’un lieu de vie à part entière dans lequel il n’est pas rare que soient organisés des foires et des marchés, voire des spectacles.

La commune de Colombier ne fait pas exception à une telle configuration. D’anciennes photos attestent qu’un cimetière jouxtait autrefois l’église Saint-Patrocle. On y remarque notamment la présence de tombes côté sud, le long de la nef et du transept. On sait par ailleurs que d’autres sépultures étaient présentes devant le portail occidental. L’abbé Bajaud (curé de Colombier de 1896 à 1907) évoque de surcroît dans ses écrits d’autres endroits dévolus au repos des morts ; jadis, l’église de Saint-Genest (dont les fonctions ont cessé au XIVᵉ siècle) et la chapelle Saint-Antoine (située autrefois en bas du bourg de Colombier) auraient vraisemblablement abrité chacune un cimetière. Comme dans maints édifices religieux, des morts ont également été inhumés à l’intérieur des murs de l’église Saint-Patrocle. Une liste, qui nous a été généreusement remise, nous apprend que plus de quatre-vingts personnes y ont été enterrées entre 1664 et 1772 (précisons que nous ne possédons pas de données pour les époques antérieures durant lesquelles des inhumations dans l’église ont incontestablement été pratiquées). Elle nous procure de précieuses informations quant au profil des défunts autorisés à reposer dans l’église. Sans surprise, les prêtres et les religieux (prieur, claustrier, etc.) arrivent en tête. Les notables (officiers royaux, notaires, etc.) sont aussi présents en nombre. Citons, entre autres exemples, le notaire Gilbert Beynat décédé en 1665 ; Anne Poulet, la femme d’un cavalier des gabelles, inhumée en 1671 ; le chirurgien Gilbert Philipard dont l’enterrement a eu lieu en 1675. On retrouve aussi des individus, sans doute plus anonymes, mais possédant un lien particulier avec l’église Saint-Patrocle. Il en est ainsi de Pierre Fenoyer, un artisan originaire de Montmarault, décédé en 1676 des suites d’une chute alors qu’il procédait à la réparation du clocher.

La déclaration royale de 1776 entraîne des bouleversements majeurs dans la manière d’appréhender les rites funéraires. Désormais, l’autorisation d’être enseveli à l’intérieur d’une église diminue de manière drastique. En outre, la translation des cimetières en dehors de l’espace habité est encouragée. Le phénomène ne peut se comprendre sans que soit évoqué le contexte de mutation des sensibilités à l’œuvre dans les dernières décennies du XVIIIᵉ siècle. Les théories hygiénistes alors en vogue mettent en garde la population contre des pratiques jugées délétères. Ainsi, le voisinage avec les morts, qui était la norme depuis des siècles, est désormais dénoncé. Le cimetière est perçu comme une source de nuisances, tant sur le plan olfactif que sanitaire ; les corps en décomposition seraient à l’origine de « miasmes » putrides aux conséquences néfastes pour la santé. Le mouvement qui tend à reléguer les cimetières hors de l’enceinte des villes est néanmoins progressif. Si la fermeture du cimetière des Innocents à Paris advient en 1785, il faut attendre le XIXᵉ, voire le XXᵉ siècle, pour que les communes rurales soient touchées – encore que le phénomène soit loin d’être général (de nombreux villages ont, en effet, conservé leur cimetière à côté de l’église). En ce qui concerne Colombier, la suppression du vieux cimetière accolé à l’église Saint-Patrocle s’est déroulée en deux temps. La partie située face au portail occidental a probablement été supprimée dans les années 1860, plus précisément en 1864 (si l’on s’en tient aux notes personnelles de l’abbé Bajaud) ; les déblais auraient alors été employés pour combler un fossé qui bordait le presbytère. La seconde phase du démantèlement de l’ancien cimetière – soit les sépultures situées le long de la face sud de l’édifice (qui correspond à l’actuelle place de l’église) – s’est, quant à elle, déroulée quelques décennies plus tard. Elle est précisément advenue entre les mois de décembre 1923 et février 1924. L’ancien espace cimétérial, dont l’entretien « laissait à désirer » selon les termes employés par l’abbé Duprat (curé de Colombier de 1908 à 1935), est alors devenue une place publique. Les ossements recueillis lors du déblaiement furent enfouis, dans une fosse commune, au sein du nouveau cimetière inauguré en 1911. Une tombe située près du monument aux morts porte d’ailleurs l’inscription suivante : « Restes des défunts de l’ancien cimetière ». La pierre tombale qui en marque l’emplacement est celle de la sépulture de l’abbé Chevalier (curé de Colombier de 1839 à 1888), lequel était inhumé dans l’ancien cimetière avant que ses cendres, après l’exhumation de son corps en septembre 1923, ne fussent ensevelies dans l’église Saint-Patrocle. Quant à la terre du déblai, elle a été déversée, avec l’aval du prêtre (n’oublions pas que la terre du cimetière était bénite et consacrée !), dans les fossés bordant le presbytère.

Si le démantèlement de l’ancien cimetière s’est déroulé en 1924, il était cependant désaffecté depuis plus de 10 ans ; sa fermeture définitive ayant été actée le 13 février 1911. La Camarde ne s’octroyant nul répit dans sa macabre besogne, la commune de Colombier se devait de disposer d’un nouvel endroit dévolu au repos de ses morts. Le projet, qu’il s’agisse de la question de l’emplacement ou des fonds nécessaires à sa mise en œuvre, a causé maints soucis aux édiles de l’époque. Alors que le chantier menaçait d’être reporté sine die, un habitant de la commune, Louis Aupetit-Durand, a apporté une solution bienvenue au problème : il s’est proposé d’acheter, sur ses propres deniers, un terrain dédié à l’accueil du nouveau cimetière. Situées sur la route menant au hameau de la Merlerie, à approximativement 300 mètres de l’église, les parcelles concernées ont été acquises par M. Aupetit-Durand en août 1909. Conformément à la parole donnée, ce dernier a accepté de les céder à la commune, à la condition expresse que plusieurs clauses fussent respectées. La principale concernait l’usage du terrain ; elle stipulait que « les immeubles donnés sont destinés à servir à l’installation d’un nouveau cimetière pour la commune de Colombier et ne pourront sous aucun prétexte être détournés de cette destination ». En contrepartie de son don, Louis Aupetit-Durand se réservait par ailleurs gratuitement la première concession du futur cimetière. L’inauguration officielle de ce dernier est exactement datée du dimanche 19 février 1911. Les notes de l’Abbé Duprat nous apporte un témoignage sensible et exhaustif sur le déroulement de la célébration. La bénédiction du nouveau cimetière a eu lieu après les Vêpres, sous l’égide de l’abbé Mathieu (alors curé doyen de Commentry) et de l’abbé Pierre Durin de Hyds, lesquels ont prononcé les prières et les formules liturgiques de rigueur. Le caractère profondément religieux de la cérémonie inaugurale peut surprendre les contemporains que nous sommes. D’aucuns y verront volontiers une entorse à la loi du 9 décembre 1905 qui, entérinant la séparation de l’Église et de l’État, devait s’appliquer à un cimetière communal construit six ans après sa promulgation. Ce serait oublier que l’on ne balaie pas en un tour de main, fût-il législatif, des us et coutumes séculaires profondément ancrés dans les mentalités ; sans être forcément des fidèles zélés, nombre d’habitants étaient soucieux de respecter des rites anciens visant à assurer à leurs proches un repos serein dans l’au-delà. C’est d’ailleurs le maire de l’époque lui-même, Jean Sagouit, qui, pour donner « satisfaction à la grande majorité des habitants » (selon les mots du curé Duprat), aurait demandé au desservant de bénir le cimetière nouvellement bâti ! Le conseil municipal d’alors, par 8 voix contre 4, avait également donné son accord pour que la croix qui ornait l’ancien cimetière fût transférée dans le nouveau. Le 3 avril 1911, la préfecture a cependant annulé la délibération qu’elle jugeait contraire aux principes de la loi de 1905. Les Colombariens ont dû, à la place, se contenter d’une humble « petite croix de la bénédiction » en bois. Force est de constater que les conflits et désaccords autour de la notion de laïcité ne datent pas d’aujourd’hui…

Toujours en activité, le cimetière communal inauguré en 1911 a connu divers travaux et aménagements au fil des ans. Il a notamment fait l’objet d’une extension dans les années 1990 afin d’accroître le nombre d’emplacements disponibles.

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La symbolique des ornements funéraires

De la chapelle richement ornementée à l’humble tumulus de terre, chaque tombe raconte une histoire. Saisir ce qui fait la spécificité de chacune et comprendre le message éventuel qu’elle nous délivre implique de considérer plusieurs éléments. Le décor funéraire constitue l’un d’entre eux. Loin de l’actuelle standardisation des caveaux en granit, les sépultures anciennes se démarquent par une ornementation d’une remarquable diversité et d’une grande richesse sémantique.

Parmi les motifs les plus fréquemment observés, ceux d’origine végétale occupent une place prépondérante. Sont notamment privilégiées les plantes et les fleurs qui, symboliquement, entretiennent une relation particulière avec la mort, la résurrection, et l’au-delà. Prenons quelques exemples dûment choisis : le lierre et les immortelles, de même que l’if et autres conifères au feuillage persistant, évoquent l’immortalité ; le blé et la tulipe (dont le bulbe refleurit tous les ans) symbolisent la résurrection et le triomphe de la vie sur la mort ; l’anémone, célèbre pour son éphémère floraison, nous rappelle la brièveté de la vie ; la pensée, quant à elle, est l’image du souvenir et du recueillement. Certains végétaux sculptés dans la pierre ont par ailleurs une signification plus subtile. Il en est ainsi de la fleur de lys, traditionnellement associée à la virginité et à la pureté. Lorsqu’elle est représentée sur une stèle avec une tige brisée, elle suggère généralement la mort d’une jeune fille. Mentionnons enfin le laurier et la palme qui agrémentent souvent la tombe de soldats tombés au front. Le premier représente la gloire et l’éternité, tandis que le second est l’attribut des martyrs et des personnes décédées pour une juste cause.

Les ornements religieux se démarquent également par leur omniprésence sur les tombes du temps jadis. À l’aube du XXᵉ siècle, dans une petite commune bourbonnaise telle que Colombier, la façon dont les villageois appréhendent la mort et l’au-delà ressortit essentiellement du discours des clercs. La prégnance des traditions catholiques dans les rites funéraires reste forte, et ce, que le phénomène soit envisagé sur le plan religieux ou culturel. Les références chrétiennes sur les sépultures sont d’autant plus manifestes que le catholicisme est une religion du salut promettant la vie éternelle après le trépas. Ainsi, extrêmement rares sont les tombes anciennes à ne pas arborer un crucifix ou une inscription attestant la foi du défunt et son espérance dans la résurrection. Certaines, pour beaucoup tombées en désuétude aujourd’hui, méritent quelques éclaircissements. Fréquentes, les initiales RIP sont issues d’une locution latine traditionnellement récitée au cours des messes de requiem, notamment durant la prière des défunts : Requiescat in pace (« Qu’il/elle repose en paix »). Le fameux De Profundis est, quant à lui, issu des premiers mots du psaume 129 (130) : « De profundis clamavi ad te, Domine » (« Du fonds de l’abîme, je t’invoque, Ô Seigneur »). D’autres motifs littéraires d’inspiration religieuse reviennent en nombre sur les tombes : INRI, pour Iesus Nazarenum Rex Iudaerorum (« Jésus de Nazareth roi des Juifs »), qui figure habituellement au sommet de la croix ; IHS, trois lettres qui forment le monogramme représentant le nom de Jésus, soit Iesus Hominum Salvator (« Jésus sauveur des hommes ») ; AM pour les initiales d’Ave Maria (« Je vous salue Marie »). Dans le cimetière de Colombier, deux stèles se distinguent par la présence d’un Christ sculpté dans la pierre. Esthétiquement très belles, elles représentent respectivement le Christ Rédempteur (reconnaissable à ses bras ouverts en geste d’accueil) et le Christ Triomphant qui symbolise la victoire sur la mort (Jésus ressuscité porte une croix dans la main gauche ; il lève l’index de la main droite en direction du ciel). Les occurrences du thème de la Mater Dolorosa interpellent également le regard ; pleurant son fils, la Vierge apparaît comme une figuration poignante du deuil et du chagrin. Pour clore ce paragraphe, évoquons des motifs plus allégoriques, dont la dimension religieuse n’apparaît pas au premier abord. C’est le cas de la colombe qui, dans l’iconographie chrétienne, est l’incarnation de l’Esprit Saint. La grappe de raisin entre aussi dans la catégorie suivante ; elle a vocation à rappeler le sang et le sacrifice du Christ sur la croix.

L’ornementation funéraire ne se restreint pas aux seuls motifs gravés dans la pierre. En hommage à un proche défunt et afin de perpétuer son souvenir, divers objets sont parfois déposés sur sa tombe. Bien que nombre d’entre eux n’aient pas résisté aux affres du temps, certaines concessions anciennes ont néanmoins été épargnées. On y observe fréquemment la présence d’une couronne funéraire. Symbole d’éternité par sa forme circulaire, son usage mortuaire est attesté dès l’Antiquité. À partir du XIXᵉ siècle, son dépôt tend à devenir un véritable rite dans les cimetières français. Les couronnes sont souvent composées de fleurs – notamment des immortelles – incarnant le renouveau et la résurrection. Celles qui ont subsisté au temps et que l’on peut encore contempler aujourd’hui sont des modèles conçus en céramique, voire en perles. Ils ont connu une grande vogue des années 1860 à la décennie 1950. Durant la même période, un autre objet fleurit sur les caveaux : le cœur en métal émaillé arborant le nom et l’âge du défunt, souvent associés à une formule religieuse du type « Priez pour elle/lui ». Image de l’amour, de la foi et de la charité, il est prisé pour sa robustesse comme pour sa brillance. Il est souvent fixé à une croix ou accroché sous une marquise en tôle. Outre le fait d’abriter les ornements funéraires, cette dernière délimite et sacralise dans le même temps l’espace de la sépulture. Comme la balustrade ou la verrière – parfois surnommée « chapelle du pauvre » ou « volière », en raison des oiseaux qui aiment y élire domicile –, elle témoigne d’un processus de singularisation et d’affirmation de l’individu jusqu’au-delà de la mort. À l’instar des grands de ce monde, les « vies minuscules » souhaitent aussi désormais lutter contre l’inéluctable oubli et laisser une trace de leur fugace passage sur terre.

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Le monument aux morts

1,4 million de morts, 5,5 millions de blessés, 1,1 million d’orphelins et 600 000 veuves de guerre : tel est l’effroyable bilan humain, côté français, au sortir du conflit de 1914-1918. Si la France et ses alliés sont sortis vainqueurs de la première guerre totale de l’histoire, un sentiment de profonde tristesse, parfois mêlé de culpabilité, tempère les réjouissances ; la « victoire endeuillée » (selon le titre d’un essai de l’historien Bruno Cabanes) est empreinte du douloureux souvenir des nombreux soldats tombés au front. Si l’idée d’honorer ces derniers se fait jour dès le conflit, la question de l’hommage dû aux morts hante tous les esprits dans le contexte de l’immédiat après-guerre. Il faut dire que la quasi-totalité des villes et villages français a vu beaucoup de ses enfants partis à la guerre ne jamais revenir. Dans ce contexte, nombre de communes françaises – souvent suite à l’initiative des conseils municipaux et/ou d’une souscription publique lancée par les habitants –, vont financer elles-mêmes l’érection d’un monument aux morts. Malgré son ampleur nationale et l’intervention de l’État (loi du 25 octobre 1919), l’essence du mouvement reste essentiellement locale et populaire. Il s’ensuit une certaine diversité quant à l’emplacement et la forme des monuments aux morts. En outre, lorsque des clivages politiques et des courants de pensée contraires opposaient les habitants, maintes polémiques ont souvent accompagné leur construction. Dans les Lieux de Mémoire, un ouvrage dirigé par Pierre Nora, l’historien Antoine Prost a dressé une typologie des différents monuments aux morts. Il distingue le « monument civique et républicain », souvent un obélisque ou une simple stèle, érigé dans l’espace public ; le « monument patriotique », dont la statuaire et/ou les images allégoriques idéalisent le courage et la vaillance des poilus ; le « monument pacifique », très rare, qui dénonce la guerre et ses dévastations ; le « monument funéraire » qui, habituellement élevé dans un cimetière et parfois surmonté d’un signe religieux, glorifie le sacrifice des morts. Celui bâti à Colombier relève de la présente catégorie.

Le monument aux morts de Colombier

Les notes rédigées par l’abbé Duprat, auxquelles nous nous sommes déjà référés, comportent un paragraphe consacré au monument aux morts de Colombier. Elles constituent l’une des rares sources relatant les détails de sa construction. On apprend ainsi qu’en 1919, une liste de souscription fut ouverte et présentée « dans toutes les familles » de Colombier par le desservant de la paroisse et, au nom du conseil municipal dont il faisait partie, par le dénommé Jean-Baptiste Laville. La démarche reçut un accueil favorable de la population dans son ensemble. Elle permit de récolter la somme de 1 500 francs en vue de financer la réalisation d’un monument aux morts. Celle-ci fut confiée à un artisan de Commentry spécialisé dans les monuments funèbres : M. Tronde. L’inauguration officielle de l’édifice eut lieu le 19 octobre 1919. Il fut par ailleurs béni et couronné du calvaire qui trônait dans l’ancien cimetière de la place de l’église – cette même croix dont, souvenons-nous, l’implantation dans l’actuel espace cimétérial avait été refusée par la préfecture en 1911 (l’abbé Duprat se félicite d’ailleurs que l’on soit parvenu à la rendre présente par un moyen détourné, bien que, si l’on en croit de vieilles réminiscences, cela ait suscité quelques contestations !). Par son emplacement au centre du cimetière comme par la présence d’un signe religieux à son sommet, le monument aux morts de Colombier relève résolument du type funéraire. Il met en exergue la volonté des habitants d’offrir à leurs enfants et à leurs proches « tombés au champ d’honneur » – particulièrement pour ceux qui étaient portés disparus ou dont les corps n’avaient pu être rapatriés à Colombier – une sépulture, fût-elle symbolique, dans leur village de cœur. Le monument aux morts s’apparente alors à une tombe virtuelle ou un cénotaphe.